Patrimoine
La Pau i Treva
Un grand moment de l’histoire catalane : le concile de Toulouges et la Trêve de Dieu
D’après un article paru en novembre 1965 dans L’Indépendant sur la conférence donnée à Perpignan par le Professeur Batista i Roca (1895-1978), professeur à la chaire de catalan de l’université de Cambridge.
« La Trêve de Dieu » est née de conciles qui tentaient de mettre fin à l’état d’anarchie féodale génératrice de meurtres, de pillages, de vols au détriment des biens monastiques et seigneuriaux.
Le professeur Batista i Roca établit un parallèle entre les assemblées britanniques et occitanes qui, aux mêmes époques, ont eu pour but la défense de la personnalité humaine, des biens ou de la liberté. Au cours des siècles les textes de ces conciles se sont améliorés jusqu’à devenir une législation officielle qui prenait en compte le peuple.
Il s’attarda sur les années 1021 et 1027 et cita dans le détail le synode de Tologes (Toulouges), élément capital de la Trêve de Dieu. Une sorte de romantisme s’attache à cette assemblée plénière : la charte catalane fut plébiscitée et adoptée dans une prairie de Toulouges au mois de mai 1027 (camp de maig). Le conférencier a commémoré tout au long de sa vie cet évènement fondateur, véritable leçon de civisme dans un esprit d’indépendance et de liberté.
Il parla avec émotion des Corts ou Assemblées catalanes, filles majeures du synode de Toulouges, qui régirent le droit catalan avec une sagesse exemplaire jusqu’en 1715 où Philippe V abolit le système institutionnel catalan.
Au début du XVème siècle le roi Martin 1er prononcera ces mots à la Loge de mer devant la masse du peuple :
« Boa gent, considérez qu’il n’existe au monde d’autres hommes qui soient plus libres que vous autres ! »
L’abbé Oliva et les Constitutions de paix et de trêve
D’après Miquel Manubens historien catalan
L’abbé Oliba a vécu entre le Xe et le XIe siècle et était le petit-fils de Guifred el Pelut. Sa famille possédait différents comtés, mais il renonça à ce qui lui appartenait et entra au monastère de Ripoll. Il fut élu abbé en 1008 et en 1009 abbé de Saint-Martin-du-Canigou. Il transforma les monastères catalans en centres culturels importants et participa activement à la construction de châteaux défensifs et de différentes églises et monastères, dont le monastère de Montserrat. Mais l’un des aspects les plus importants de son travail, dans la mesure où ils ont énormément contribué à façonner un monde plus pacifique et plus libre, fut les assemblées de paix et de trêve. À une époque de féodalisme maximal, où les paysans étaient de plus en plus opprimés et soumis aux lois arbitraires des nobles, Oliba promouvait la paix et la trêve de Dieu. Cette paix et cette trêve limitaient les jours où les combats étaient autorisés, protégeaient les agriculteurs et leurs maisons et offraient des églises et des sanctuaires comme lieux libres de combats. Tout cela a contribué à pacifier la Catalogne et a offert au peuple un cadre de coexistence qui a permis au pays de prospérer.
Le 5 octobre 1022, à Sant Pere de Rodes, l’abbé Oliba établit – avec l’évêque Berenguer d’Elne – les Constitutions de Paix et de Trêve , ratifiées le 16 mai 1027 au Prat de Toluges.
Signification:
L’institution de la paix afin de soustraire à la violence une certaine catégorie de victimes (clergé non armé, agriculteurs et leurs maisons avec bétail, récoltes et outils, etc.), qui seraient respectées par les combattants
L’institution de la trêve afin de réprimer la violence (entendez la violence armée) dans certaines périodes précisément fixées (du jeudi au lundi, Pâques, l’Avent et le Carême et les veillées et fêtes de plus de vingt-cinq jours de l’année)
Les Constitutions de Paix et de Trêve furent acceptées par le Synode de Nicée en 1041 et par le Concile de Narbonne en 1054, et allaient bientôt s’imposer au monde de cette époque comme une institution de sauvegarde des droits de l’homme.
Miniature représentant le roi Alphonse Ier le Chaste (1154-1196), présidant une assemblée de paix et de trêve (Codex d’Usatges, Archives de la Paeria, Lleida.)
Les précédents du parlementarisme catalan
L’institution parlementaire en Catalogne trouve ses fondements au Moyen Âge. Ces fondations étaient les assemblées de paix et de trêve et le tribunal du comté. À ses débuts, la paix de Dieu était le droit de refuge pour les personnes et les biens dans le territoire protégé de trente pas autour de l’église appelé la sagrera . La trêve était la suspension des guerres et des conflits violents pendant certaines périodes.
Les assemblées de paix et de trêve ont été promues par l’état ecclésiastique et assumées par le pouvoir souverain, les comtes de Barcelone, dans le but d’éliminer ou, au moins, d’assurer des périodes d’interruption des raids et des guerres continus entre seigneurs féodaux et d’établir un système de garanties et d’indemnités pour le clergé et la population civile ; Ils ont également conclu des accords fiscaux. Ces dispositions ont facilité l’émergence de villes et de marchés et ont stimulé la vie commerciale du pays.
La première assemblée eut lieu à Toluges, comté de Roussillon, en 1027, en présence de l’évêque Oliba de Vic. Au siècle suivant, peu d’assemblées furent convoquées et la plupart des accords de paix et de trêve furent conclus à la cour même du prince (comte de Barcelone et roi d’Aragon depuis 1137). De cette façon, ils ont relié une institution à l’autre. De nombreuses dispositions de paix et de trêve ont été codifiées dans les Usatges de Barcelona, le premier texte législatif catalan, promulgué par le comte Ramon Berenguer Ier, et ont été incorporées dans le droit civil et constitutionnel catalan de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne ; certains ont survécu dans le droit civil actuel.
Texte de 1027 de la Pau i Treva de Deu à Toulouges
Auca de l’abat Oliba
Par les élèves du collège François Mitterrand de Toulouges (66).