Patrimoine
L’église Sainte-Marie
L’église Sainte-Marie se situe sur la place de la République, au coeur du village. C’est un joyau du patrimoine Toulougien.
Découvrez sur cette page une galerie photos qui raconte son histoire.
LES ÉNIGMATIQUES SCULPTURES DU PORTAIL
Initialement étranger à l’église Sainte-Marie, il est différent des autres portails romans du Roussillon en raison de la structure de sa partie supérieure. Sa création est située à l’extrême fin du XIIe siècle. Avant sa restauration et depuis son transfert de l’église Saint-Etienne d’Orle, déclarée « ruinée à cause de la guerre » dans un procès-verbal de visite du 1er avril 1661, ce portail roman maladroitement réemployé avait alors perdu certains de ses éléments constitutifs. Il se trouvait en effet dépourvu de son linteau et de ses chambranles. Publié en 1834, un dessin de Sabatier révèle que le marbre de sa partie supérieure avait été remplacé par des briques pleines de <<< cairo »>. Probablement aggravé par l’absence de certaines pièces maitresses, le mauvais état du portail de marbre avait finalement été proche de la ruine. Pour y remédier, il avait été question, le 13 février 1840, de le murer et d’ouvrir une porte dans le fond de la nef de l’église. Mais son ouverture ayant tardé jusqu’en 1850, on s’était donc contenté d’en consolider les parties menacées… Afin d’éviter que soient parfois troublées les cérémonies religieuses par les cris des enfants jouant trop près de lui, le portail avait été isolé en 1864 par une grille. Mais cette dernière avait dû être réformée en 1876 après la création de la route
traversant le village trop profondément. Pour communiquer avec elle avait alors été abaissé le niveau du sol sous la porte d’entrée latérale, ce qui donnait un aspect suspendu aux colonnes du portail sous lequel passaient les convois funèbres jusqu’en 1958.
Il faut à présent évoquer le problème posé par la description du portail faite en 1842 par l’historien Henry dans son << Guide en Roussillon ou itinéraire du voyageur dans les Pyrénées-Orientales ». Il avait alors écrit qu’il était «< orné de quatre colonnes ». Bien qu’inattendu aujourd’hui, ce témoignage ne peut être taxé de fantaisiste compte-tenu de la personnalité de l’auteur auquel nous devons une << Histoire du Roussillon comprenant l’histoire du Royaume de Majorque », publiée en 1835.
On doit donc admettre qu’à une date indéterminée, le portail a été dépouillé de sa quatrième colonne dont est demeuré in-situ le socle.
Rapportée par l’abbé Gotanègre, curé de Toulouges de 1928 à 1950, une tradition locale situe ce vandalisme durant la Commune ayant sévi du 28 mars au 18 mai 1871. Mais bien que proclamée à Narbonne, la Commune ne l’avait pas été à Perpignan. En l’occurrence, il se serait donc agi d’un acte isolé et hostile au catholicisme. Comme n’a jamais été retrouvée la colonne enlevée et en l’absence de la moindre preuve, ne peut donc être tenu pour historique ce que prétend la tradition locale au sujet de cette déprédation… C’est le 19 août 1907 qu’a été classé monument historique le portail roman de l’église de Toulouges.
Sa partie sculptée avait longtemps été considérée comme énigmatique par les spécialistes de l’art roman. Très versé dans ce domaine, Marcel Durliat qui avait été mon professeur d’histoire et résidait alors à Toulouges, avait lui-même écrit en 1950 que ce portail comportait << toute une symbolique rude et grossière dont le sens nous échappe totalement ». Je pense en avoir maintenant trouvé la raison. C’est qu’il s’agit, là, d’une illustration sculpturale de certains passages du livre biblique de l’Apocalypse se trouvant dans ses chapitres douze et treize.
Le tympan
Il est l’un des très rares tympans sculptés du Roussillon. Semblable à celui d’une esquisse, son faible relief avait fait penser à Josep Puig i Cadafalch qu’il était peut-être inachevé.
Voici donc le texte de l’Apocalypse interprété par le sculpteur: << Alors s’engagea une bataille dans le ciel. Michael et ses anges combattaient contre le Dragon… Et il fut précipité sur la terre » [XII 7.9].
Sculpté sous un arc-boudin d’une faible ampleur la lutte imaginée a privilégié l’aspect du Dragon en lui donnant une forte corpulence et une énorme queue. Se tordant de douleur, il se trouve terrassé, par deux éléments de la milice céleste armés comme à l’époque médiévale. Représenté de face, se tient l’archange saint Michel, son chef. Les ailes tombantes et un bouclier à son bras gauche, de sa main droite il enfonce violemment sa lance dans la gueule menaçante du Dragon. Derrière lui, un ange subalterne, lui aussi muni d’un bouclier, brandit une pique terminée par une croix, symbole de la victoire sur << l’antique Serpent, celui qu’on appelle Diable ou Satan » [Apocalypse XII.8].
Les chapiteaux
Ils constituent la partie la plus riche du portail comparativement à son tympan. Des quatre qui existaient à l’origine ne subsistent aujourd’hui que trois chapiteaux dont l’un est mutilé. Comme l’atteste ce dernier situé dans la partie gauche, une certaine unité avait été recherchée dans le choix des sculptures. Un simple coup d’œil permet en effet de remarquer que se trouvent reproduits dans les chapiteaux d’identiques détails. Et on ne peut qu’être impressionné en voyant sculptées sous les abaques tant de curieuses têtes couronnées d’un cube orné. C’est encore l’Apocalypse qui nous donne la raison de cette insolite collection. Dans sa description du Dragon et de la Bête, son agent, se trouve précisé que l’un et l’autre avaient << sept têtes portant un diadème » [XII-3 et XIII- 1]. Les deux chapiteaux intacts conservent donc une partie des quatorze têtes démoniaques qui se trouvaient originellement sculptées sur les quatre chapiteaux initiaux, ce qui faisait la particularité de ce portail. Mais chacune d’entre elles est présentée comme étant celle d’une sirène. Selon une antique croyance véhiculée par le paganisme gréco-romain, une sirène était une sorte de génie malfaisant doué d’un pouvoir maléfique et fatal aux hommes séduits par son charme et qui perdaient alors leur vie. Représentées toutes avec une tête et une poitrine de femme, leur corps était soit celui d’un poisson, soit celui d’un oiseau. Mais le sculpteur ayant donné libre cours à son imagination, se remarquent certaines disparités. Celles des eaux ont parfois un menton barbu ou un visage expressif propre à séduire, celles des airs un long nez pointant ou d’épais cheveux comme un écheveau de laine…
La malfaisance foncière des sirènes faisant d’elles autant de suppôts ne pouvait que symboliser celle continuellement opérée par le Dragon qui, nous dit l’Apocalypse, « s’en alla faire la guerre à ceux qui respectent les commandements de Dieu et gardent le témoignage de Jésus » [XII-17]
Voilà donc la raison pour laquelle se trouve sculptée sur les chapiteaux une foison de sirènes.
L’archivolte dégradée
Ayant malheureusement perdu sa partie supérieure, il n’en subsiste guère qu’une moitié constituée par deux fractions. Sur la décoration en faible relief du marbre jauni, ressortent des scènes hétéroclites sans grand intérêt. On y distingue des personnages trapus et, la tête volumineuse, un monstre dévorant un de ses congénères, une tête d’homme d’où sort une paire de jambes, un personnage assis tenant un énorme coutelas. A cet ensemble disparate symbolisant un monde où règne l’anormalité et la barbarie n’appartiennent point les deux têtes d’homme sculptées l’une et l’autre à la base de l’archivolte. Elles sont probablement celles des deux Témoins mentionnés dans le onzième chapitre de l’Apocalypse.
La restauration
L’état dans lequel se trouvait le portail en 1958 attestait clairement qu’il avait été victime de plusieurs dommages au cours de son existence. Après la restauration de l’église achevée en 1961 s’imposait donc celle de son portail roman. Effectuée au cours de l’année 1962, elle s’était opérée en plusieurs étapes afin d’être menée à bien. Il avait d’abord fallu rétablir le niveau primitif du sol, tel qu’il figurait en 1834 sur un dessin de Sabatier et tel qu’il avait subsisté jusqu’en 1876. En raison de ce retour à l’origine on doit maintenant descendre deux marches pour pénétrer dans la nef de l’église. Puis tout le marbre avait été lavé, ce qui avait fait disparaître certaines taches noirâtres résultant d’un incendie et mis aussi en valeur sa teinte ocrée. On avait ensuite pourvu le portail du linteau et des chambranles absents ce qui avait permis la mise en place d’une épaisse porte de bois parsemé de clous et de dimensions adéquates. Enfin six marches de marbre rose donnent la possibilité au visiteur d’accéder à proximité du portail roman pour en examiner les sculptures interprétant certains versets de l’Apocalypse.
LA CROIX DES IMPROPÈRES
Elle compte parmi les plus belles et plus anciennes du Roussillon. Elle nait d’une mission prêchée au XVIIIe siècle à Toulouges après avoir adressé à Mgr De Gouy évêque de Perpignan la supplique suivante : ‘’ Nous, curé, bailli et consuls du lieu de Toulouges, après le consentement et la grande satisfaction des habitants du dit lieu, supplions très humblement sa grandeur ou Messieurs nos Seigneurs ses vicaires généraux de nous accorder la permission de faire la mission à notre paroisse pour nous attirer la bénédiction du Seigneur et obtenir la sanctification de nos âmes.’’
Début décembre 1782 étaient donc venus à Toulouges des religieux de l’ordre des Minimes prêcher cette mission et une croix fut érigée pour perpétuer le souvenir de cette mission.
Afin de lui conférer un caractère public, c’est près du portail roman de l’église, contre le mur de ce qu’on nommait à l’époque la chapelle Saint-Michel qu’elle fut plaquée. Après sa restauration elle fût placée à l’intérieur de l’église. Elle est inscrite aux Monuments Historiques depuis 1927.
Cette croix est un véritable mémorial de la Passion du Christ. En effet, la grande majorité de ses accessoires se rapporte aux détails donnés dans les passages des évangiles relatant la Passion du Christ. On y remarque :
Le coq qui chanta après le reniement de l’apôtre Pierre [Luc XXII-60]
L’inscription latine signifiant Jésus de Nazareth Roi des Juifs [Jean XIX-19]
La couronne d’épines [Jean XIX-2]
Le marteau et les clous de la crucifixion [Jean XIX-18]
La lanterne surmontée d’un croissant de lune qui a permis de reconnaître Jésus et de l’arrêter [Jean XVIII-3]
La coupe de douleur (Prière et vision du Christ au jardin des oliviers) [Marc X-35-45] [Marc XIV-35]
La main ayant souffleté Jésus [Jean XVIII-22 et XIX-3]
L’aiguière surmontée d’un disque solaire qui servit à Pilate pour se laver les mains [Matthieu XXVII-24]
Les tenailles employées pour déclouer le corps de Jésus [Luc XXIII-53]
Deux fouets de la flagellation [Matthieu XXVII-26]
La branche d’Hysope avec l’éponge [Jean XIX-29]
La lance ayant percé le flanc de Jésus [Jean XIX-34]
Une trompette autrefois jouée en tête de la procession de la Sanch
L’épée ayant tranché l’oreille de Malcus [Jean XVIII-10]
Le voile de Ste Véronique portant l’empreinte du visage de Jésus [Ch. de croix]
L’échelle ayant servi à crucifier Jésus et à descendre son corps [Luc XXIII-53]
Les dés ayant servi à tirer au sort la tunique de Jésus [Matthieu XXVII-35]
La tunique de dérision [Matthieu XVII-28]
La bourse et les trente deniers de Judas l’Iscariote [XXVI-14]
Le récipient de parfum (myrrhe) de Nicodème [Jean XIX-40]
LA VIERGE DE L’AULA
Dès la fin du XVIIème siècle se signale la dévotion qu’eurent certains habitants de Toulouges pour une image connue sous le vocable catalan de ‘’ Nostra Senyora del Aula ’’.
Par exemple Montserrat Vilanova, curé de Toulouges, avait demandé dans son testament daté du 18 juillet 1644 d’être inhumé devant ‘’ la capella y altar de Nostre Senyora del Aula ’’.
Le 8 avril 1688, son successeur Sylvestre Bacho déclarait élire sa sépulture dans l’église de Toulouges ‘’ ahont es sepultat lo cadaver de la mia mare…devant lo altar de Nostra Senyora del Aula ‘’.
Etant la plus ancienne de son mobilier religieux, l’image mariale du XVème siècle possédée par l’église de Toulouges est vraisemblablement celle autrefois dénommée ‘’ del Aula ‘’.
Pierre Ponsich avait avancé qu’elle proviendrait du couvent de Ste Marie de l’Eule, mentionné en 1174 et situé sur le territoire du Soler (Catalunya Romanica-Rossello-page 401).
Cette assertion est purement conjecturale pour deux raisons. Tout d’abord elle ne repose sur aucun document.
Ensuite, comme le dit Ponsich lui-même, le culte avait continué à être célébré dans l’église de l’Eule jusqu’en 1790 par le curé du Soler au bénéfice d’une trentaine de fidèles des alentours.
POUR LES ENFANTS
Il y a très longtemps, bien avant que Toulouges ne devienne la ville que nous connaissons aujourd’hui, une église existait déjà à cet endroit. Les premières traces de son existence remontent à l’époque de Charlemagne (au VIIIᵉ siècle) et de ses descendants. À cette époque, la religion catholique était très importante : presque tout le monde allait à l’église pour prier, célébrer des fêtes religieuses et assister aux messes.
Avec le temps, cette première église a vieilli et, au Moyen Âge, une nouvelle église a été construite sur ses fondations. Comme souvent à cette époque, les églises étaient non seulement des lieux de prière, mais aussi des lieux importants pour la communauté. Elles servaient parfois de refuges en cas d’attaque et étaient des symboles de foi et de protection.
Sous le chœur de cette nouvelle église, une pièce secrète a été aménagée : une crypte ! Cette crypte était un lieu très spécial, car elle contenait des reliques de martyrs (des restes ou objets appartenant à des personnes ayant donné leur vie pour leur foi). À cette époque, les reliques étaient considérées comme très précieuses et sacrées. C’est l’une des raisons pour lesquelles, en l’an 1027, un personnage très important, l’abbé Oliba, a choisi Toulouges pour réunir de nombreux évêques et discuter d’un sujet crucial : la Paix et Trêve de Dieu.
Mais qu’était cette “Paix et Trêve de Dieu” ? Au Moyen Âge, les seigneurs et leurs armées se faisaient souvent la guerre, ce qui causait beaucoup de souffrances aux populations. Pour limiter ces violences, l’Église a voulu imposer des périodes où les combats étaient interdits, notamment les dimanches et les jours de fête religieuse. Cet accord signé à Toulouges en 1027 était donc un événement très important pour la région et pour toute la société de l’époque.
Avec le temps, l’église Sainte-Marie a continué d’être un lieu de prière et de recueillement. À la fin du Moyen Âge, des pèlerins (des voyageurs croyants) venaient de loin pour prier devant la statue de la Vierge de l’Eula, qui était placée dans la crypte. Ces pèlerinages étaient une grande source d’espoir pour ceux qui cherchaient réconfort ou guérison.
L’église possédait aussi une magnifique entrée principale située au sud. Au-dessus de cette entrée se trouvait un portail en marbre sculpté, représentant la bataille entre l’archange Michel et un dragon. Selon les historiens, ce portail aurait été déplacé d’une autre église, celle de Saint-Étienne d’Orle, qui appartenait aux Templiers. Mais qui étaient les Templiers ? Il s’agissait de moines-soldats, chargés de protéger les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte. Leur ordre était puissant et respecté dans tout le royaume.
Pendant plusieurs siècles, l’église Sainte-Marie est restée pratiquement la même. Mais sous le règne du célèbre Louis XIV, aussi appelé le Roi-Soleil, des modifications ont été apportées : c’est à ce moment-là que l’accès à la crypte a été supprimé. Peu à peu, les gens ont oublié son existence…
Ce n’est que bien plus tard, entre 1958 et 1961, sous la présidence du général de Gaulle, que l’église a été restaurée. Lors de ces travaux, la crypte a été redécouverte, après avoir été cachée pendant plusieurs siècles ! Cette découverte a permis d’en apprendre davantage sur l’histoire de l’église et de redonner vie à une partie oubliée de son passé.
Aujourd’hui encore, l’église Sainte-Marie de Toulouges reste un témoin précieux de l’histoire. En la visitant, on peut imaginer toutes les personnes qui y ont prié, les événements importants qui s’y sont déroulés et les secrets qu’elle renferme encore peut-être…
PATRIMOINE ARCHITECTURAL DE MÉRIMÉE
Lire la notice de l’arrêté de protection au titre des Monuments historiques.